« One way, or another, I’m gonna find ya’♪♫
I’m gonna get ya’, get ya’, get ya’, get ya’ ♪♫
One way or another, I’m gonna win ya’ ♪♫
One way or another I’m gonna see ya’ ♪♫ »

La musique se déversait dans le bar, surpassant parfois les bribes de conversations éparses qui fusaient de tous les côtés. Assis au comptoir, Robert regardait le contenu de son verre sans grande conviction. Il venait souvent ici, le soir. Les habitudes avaient la peau dure. Celle-ci, en particulier, ne le quittait pas. L’alcool lui permettait de ne penser à rien, l’espace de quelques heures. Ce soir, cependant, cela ne fonctionnait pas. Peut-être n’avait-il pas assez consommé. Ou peut-être en avait-il tout simplement marre de noyer un désespoir vide de sens dans le whisky. De plus, tous les simagrées de cette semaine tournaient dans sa tête. Depuis l’arrivée de Baelfire dans son immeuble, celui-ci n’avait jamais été aussi bruyant et infect. Robert se levait le matin, appréhendant le reste de la journée. Souvent, cela se passait sans trop d’imprévus. Mais, bien trop souvent, il se passait quelque chose. De la musique écoutée trop fort, de la casse, de la boue dans le hall… Et plein de détails pesants et désagréables. Ses remontrances n’y faisaient rien, ni même ses menaces.

Mais ce n’étaient pas ces désagréments qui poussaient Robert à consommer de l’alcool, ce soir. En vérité, Baelfire le troublait. Etrange comme un gamin sorti de nulle part qui, en l’espace de quelques minutes brisait un ascenseur, puisse l’intriguer de la sorte. Il ne l’appréciait pas, mais certains détails le laissaient parfois stupéfait. Des sensations, des images floues, des sons et des odeurs refaisaient surface. Mais le brouillard s’accumulait autour de ces illusions imprécises. Ces impressions de déjà vu qui ne cessaient de l’assaillir.
Pour cette raison-là, oui, il buvait.

« I will drive past your house, and if the lights are all down ♫♪
I’ll see whos around… ♪♫ »

Pire encore. Ces temps-ci, quelques faits étranges surgissaient lorsqu’il se trouvait seul. Des faits inexpliqués et inexplicables. Des faits irrationnels, improbables. Bien sûr, il savait que le monde était dépourvu de magie. Pourtant, il avait parfois l’impression que de la magie opérait autour de lui. Pas souvent. Quelques détails insignifiants. Des objets disparus, introuvables, envolés. Des verres brisés sous l’esprit de la colère. Peut-être devenait-il fou. Peut-être n’était-ce que la vieillesse qui, déjà, le prenait en grippe. Ou bien peut-être était-ce ce fichu alcool qui commençait à déglinguer ses neurones. Ce n’était pas impossible. Après tout, c’était bien ce qui était arrivé à son père. Criminel et soûl à longueur de journée.

Robert déposa quelques billets sur le comptoir pour payer ses consommations du soir et se leva dans l’intention de quitter cet endroit bruyant, aux trop fortes senteurs de cigarettes et d’alcool. Malheureusement, dans sa hâte de quitter les lieux, quelqu’un le heurta de plein fouet, éclaboussant sa chemise et son foulard d’une écœurante odeur de gin. Le regard furieux de Robert de plongea dans celui du maladroit. S’il avait pu l’égorger en l’instant, il n’aurait sûrement pas hésité une seconde.

C’est d’ailleurs ce qui se produit, plutôt lentement, autour de la gorge de l’homme inconnu. Un étau se resserra sans que Robert ne puisse vraiment décider de mettre ses pensées à exécution.